Vous allez être très surpris par l'endroit où je me trouve. Je pensais, comme tout le monde, qu'une fois mort, on traversait un long tunnel de lumière pour se retrouver dans un jardin magnifique, opérant ainsi un retour à l'état originel de l'Homme avant qu'il ne soit chassé de l'Éden. En fait, rien de tout cela. Je me trouve dans la cour d'honneur des Invalides, mon endroit préféré de Paris, à deux pas du tombeau de l'Empereur. Elle est telle que je l'ai connue dans ma vie terrestre, entourée du péristyle sous les arcades duquel s'alignent les canons de la monarchie et de l'empire. Mes pas résonnent sur les pavés inégaux qui m'ont toujours rappelé combien ce lieu est chargé d'histoire. Dans la niche, au-dessus de l'entrée de la cathédrale Saint-Louis, Napoléon me toise dans une attitude à la fois martiale et paternelle. Il est là, celui que Clausewitz a surnommé le dieu de la guerre et au pied duquel se sont alignés tant de cercueils de camarades morts au combat. Les reverrai-je ? Je l'ignore.
Qui pourrait croire que le Walhalla se trouve au coeur de Paris ? Qui pourrait imaginer qu'on y rencontre toute une galerie de personnages qui ont marqué l'histoire de l'humanité, de l'Antiquité à nos jours ? Qui sait qu'au paradis des soldats, vainqueurs ou vaincus, personne ne peut plus mentir sur la guerre, qu'elle soit conventionnelle ou clandestine?
Le général Nicolas Le Nen est saint-cyrien, breveté de l'École de guerre et auditeur du Centre des hautes études militaires et de l'Institut des hautes études de la défense nationale. Il a commandé le 27e bataillon de chasseurs alpins et le service action de la DGSE. Petites mémoires d'outre-guerre est son septième livre.