Victor fronça les sourcils. Que venait faire ce cours de tactique à cette réunion ? Il s'agissait d'Hernani, non de Waterloo. Théophile Gautier, assis sur le tapis, fumait sa pipe turque. Lui avait mieux compris :
– Vous voulez dire qu'Hernani sera notre bataille à nous ?
– Correct, Albertus !… Nous avons donc un mois pour préparer la victoire…
Le Théâtre-Français sera le champ de manoeuvre. J'y appliquerai la
méthode des Romains : encercler, surprendre, frapper ! Les « classiques »
seront environnés par nos hommes. Nous en placerons partout : orchestre,
parterre, loges... Mon lieutenant, ce sera vous, Gautier… Vous, Nodier, serez
mon « vaguemestre »…
– Où trouverons-nous nos trois cents braves ? interrogea Hugo.
– Faites-moi confiance, répondit Nodier, lui posant la main sur l'épaule.
– Bien. Puisque nous sommes d'accord : en avant, marche !
Dès la fin du XVIIIe siècle, bien avant le triomphe d'Hernani, apparaissent les signes d'une littérature nouvelle, qui va faire éclater des règles immuables. La sensibilité, l'exaltation, la rêverie vont évincer le rationalisme tout-puissant des Lumières. Au détour des pages, les rencontres affluent. Mme de Staël, entre ambitions et déceptions, tient salon. Charles Nodier anime le Cénacle, qui accueille tous les jeunes artistes du mouvement. D'autres grands noms, également, se dévoilent : Lamartine, Musset, Nerval, Vigny, George Sand ou Théophile Gautier, et évidemment Hugo. Dans le tourbillon des vies et des mots de ceux qui, illustres ou à la gloire éphémère, ont fait le romantisme, Eric Tellenne dresse un portrait incarné de plus d'un demi-siècle d'histoire et de littérature.