Histoire de dix ans, 1927-1937
chronique des années 30
Dans ce très beau livre qu'est Histoire de dix ans, Jean-Pierre Maxence (1906-1956) ne donne pas un recueil de mémoires, mais plutôt un ouvrage d'" humeur ", chronique fidèle de sa désillusion progressive sur le sort de la France, qui prend la forme d'une sorte de long " billet " très personnel où sont abordés tous les aspects de la vie française entre 1927 et 1937 : politique intérieure comme extérieure, économique comme sociale et, surtout, vie culturelle éblouissante de la France d'alors, que l'auteur fait revivre " de l'intérieur " avec un incontestable talent. Ainsi défilent des noms devenus mythiques (Colette, Maritain, Gide, Maurras, Péguy, Bernanos, Blanchot), que Jean-Pierre Maxence évoque avec une familiarité toute naturelle sous sa plume et qui, cependant, nous semble relever d'une sorte de temps légendaire, ou peu s'en faut. L'ouvrage, achevé en novembre 1938, est largement dominé par deux thèmes majeurs. Premièrement le relèvement français et européen consécutif à la fin de la Première Guerre mondiale, les " années folles " en quelque sorte, ainsi que la marche, qui peut sembler inéluctable, vers un nouveau conflit entre la France et l'Allemagne. Le deuxième thème qui court tout au long de l'ouvrage, et qui lui confère une grande partie de sa cohérence et de son unité, est la condamnation du capitalisme et, plus largement, de la société " libérale ". Témoin privilégié de la faillite morale, intellectuelle, politique, économique et sociale d'une certaine forme de pensée " bourgeoise " élaborée tout au long du XIXe siècle, Jean-Pierre Maxence est en cela très proche des préoccupations et des débats actuels, et peut même être considéré comme une sorte de représentant avant la lettre du mouvement altermondialiste. Heureuse époque où d'autres voies que celles du capitalisme ou du socialisme pouvaient être évoquées sans se heurter à l'omerta de la pensée unique !