Saccages
Les siècles n'expirent pas avec exactitude. Souvent, leur agonie se prolonge bien après leur décès officiel. Ainsi, le XXe siècle s'est éteint le 11 septembre 2001. Ce mardi-là, comme des centaines de millions d'autres gens, j'ai échoué sur un écran de télévision et, des heures durant, je me suis perdu dans les images en boucle diffusées par les chaînes américaines... New York éventré, sabré par des avions kamikazes. New York en flammes, voilé d'un épais nuage anthracite. New York, symbole d'une nation qui nous a sauvés deux fois, a sculpté notre imaginaire, puis suscité nombre de rejets. New York comme un grand frère trop fort, poignardé sous nos yeux. La gorge sèche et les yeux humides, j'ai contemplé le désastre, choqué mais nullement surpris, tenaillé par la certitude que les barbus hideux qui vouent l'humanité à la nuit sont la réplique folle de nos mochetés présentes et anciennes, qu'ils sont nos créatures, une herbe infâme poussée dans notre part d'ombre.