Alexis Remizov (Moscou, 1877-Paris, 1957) est l'un des plus prodigieux écrivains russes du XXe siècle, et l'un des plus prolifiques. Il connut le bagne et la relégation, puis une authentique notoriété littéraire, puis la guerre et la révolution, l'exil à Berlin et à Paris : la pauvreté, la perte de son public, l'impossibilité de se faire publier. Les années de l'Occupation furent les plus noires de sa vie. D'abord parce que la situation précaire des exilés, toujours au bord de la misère, avait empiré avec les difficultés d'approvisionnement, les bombardements, les arrestations des proches, les tracasseries administratives et policières. Ensuite parce que sa femme, Serafima Pavlovna, mourut en mai 1943, après être restée de longs mois grabataire. La Flûte aux souris est un témoignage de cette époque.
La peinture de Paris occupé, la description des milieux littéraires, ses souvenirs de Moscou, les mésaventures de ses traducteurs : tout est vivant, drôle, tragique.
La Flûte aux souris n'est pas un roman. oeuvre inclassable, composite, elle juxtapose des souvenirs, des portraits, des rêves, des légendes, des réflexions sur la destinée ; c'est aussi un art poétique. Remizov avait déjà utilisé ce procédé de «collage» dans La Russie dans la tourmente, cette extraordinaire chronique de la Première Guerre mondiale et de la révolution.
Il fut proche des surréalistes, notant ses rêves, hanté par l'absurdité du monde. Marcel Arland, Jean Paulhan, Jacques Rivière, toute l'équipe de la Nouvelle Revue française l'ont apprécié et aidé. De plus, Remizov était un calligraphe et un dessinateur extraordinaire. Picasso le connaissait et l'admirait, Kandinsky aussi.
Puisse le vieil enchanteur «envoûté par les mots» trouver de nouveau son chemin vers les lecteurs français, lui qui a fait parler russe à Mélusine, Tristan et Iseult et les lamas tibétains...