Certes, il y a un mystère Dickens, non seulement, de façon superficielle, dans sa réception, mais d'abord et surtout en lui-même, et donc dans le mécanisme de sa création. Pourquoi ce jeune homme de vingt ans, si insolemment doué, qui commença sa carrière dans la liberté et la fantaisie des Pickwick Papers - oeuvre ensoleillée s'il en fut - la poursuivit-il dans la pénombre et exerça-t-il sa verve sur des corps martyrisés, des esprits embrumés, des discours empêchés, comme s'il avait été une sorte de joyeux tortionnaire ? Que nous dit-il, à travers tous ces enfants martyrs, ces faux bébés, ces demi-monstres, ces cadavres vivants ? Que nous insinue-t-il, ce bonimenteur qui, parfois, prend les accents de l'Ecclésiaste ? Quelle sorte d'étrange message vient-il nous glisser à l'oreille à travers ces corps, fragmentés et impuissants ?
C'est ce message, enfoui dans les replis d'une oeuvre immense, étouffé et cependant véhément, que cet essai s'efforce de décrypter.