« Chaque fois que je relisais ou lisais pour la première fois des poèmes de tous ces poètes, connus ou inconnus, je me suis demandé à quel critère inconscient j'obéissais pour leur choix. La machine qui lit en moi les poèmes des autres est la même que celle qui en écrit ou s'arrête d'en écrire pour d'obscures raisons, que le "je" n'explique jamais clairement. Lisant tous ces poèmes et les reliant, puis les déliant chronologiquement, thématiquement, je les incorporais à un autre "je" qui n'est celui de personne.
J'avais choisi instinctivement cette boussole, pour me guider dans ce continent noir et rouge. Une toute petite boussole, tremblante évidemment, comme toutes les boussoles, mais plus tremblante encore que les autres, puisque son aiguille, le "je", n'indiquait pas, du moins c'était mon impression, le même nord. Chacun son nord au royaume infini des subjectivités. Le nord de Rimbaud n'est pas celui d'Artaud. »